Le phare de l’île Rouge

Sur le fleuve, la faible brume et l’air salin nous offraient une ambiance typiquement maritime.

La première escale du périple en Zodiac fut le phare de l’Île Rouge. Arrivé à Baie-Sainte-Catherine à 15 h 30, la journée était parfaite pour faire de la photo : un ciel dégagé avec quelques nuages pour donner de la profondeur. Sur le fleuve, la faible brume et l’air salin nous offraient une ambiance typiquement maritime.

Le vent s’était levé dans les dernières heures, augmentant la vélocité des vagues. Mais pour les marins d’eau douce que nous sommes, rien d’alarmant vu du quai. On ne savait pas encore qu’on se ferait brasser un peu plus loin…

Comme prévu, Marc Loiselle nous attendait au quai à bord de son Zodiac Loizo.com. C’est une de mes collègues à la Sépaq qui nous a mis en contact. Marc est capitaine de Zodiac, mais aussi photographe professionnel. Il est donc bien placé pour comprendre mes besoins photographiques et m’emmener aux meilleurs points de vue.

Le trajet se fait en traversant d’abord l’embouchure du Saguenay. Le vent et les courants marins nous brassent un peu. On aperçois la Pointe-Noire à gauche et l’îlet aux Alouettes à notre droite. Au début des années 1900, il y avait un phare à chacun de ces endroits. Dans le bulletin des amis des phares de l’hiver 2011 à la page 17, on trouve un article très intéressant, sous la plume de Jean Cloutier, qui nous raconte la courte existence du phare de l’îlet aux Alouettes, de 1872 à 1909.

Passé l’embouchure de la rivière Saguenay, on se dirige d’abord vers le phare du Haut-fond Prince. Même si c’est la première fois que je m’en approche, j’ai l’impression de revoir un vieux chum. On fait un petit tour du phare et on continue notre chemin en sachant qu’on y reviendra à notre retour.

C’est à ce moment qu’est survenue la partie la plus mouvementée du voyage. Des vagues de bonne vélocité nous séparaient de l’Île Rouge. En pilote d’expérience, Marc a ralenti le rythme pour prendre les vagues une à une, de face. À un certain moment, il devait grimper chaque vague, pour ensuite la redescendre quand elle se brisait. À quelques reprises, on a descendu pas mal plus vite qu’on était monté. Marc m’a fait remarquer que l’eau était noire et que, par une ligne de séparation très nette, elle devenait verte et plus calme. C’est la rencontre du Saguenay et du fleuve Sainte-Laurent, avec les courants marins divergents, qui créent ce changement de couleur et ces vagues.

Pour se mettre à l’abri du vent, on a approché l’Île Rouge par le Nord-Est. Grâce à la versatilité du Zodiac, on a pu accoster sur la plage et débarquer sur l’île sans trop d’efforts.

L’Île Rouge est toute petite et en forme de cigare (500 m de longueur, à peine 200 m de largeur). C’est une île fluviale : il semblerait qu’elle ait été formée par l’accumulation des sédiments qui proviennent de la rivière Saguenay et qui se jettent dans le fleuve Saint-Laurent.

Le ciel est rempli d’oiseaux. On se sent un peu comme dans The Birds de Hitchcock, mais sans la peur de se faire attaquer. On y retrouve une multitude d’espèces : des goélands argentés, goélands manteau-noir, mouettes de Bonaparte, cormoran, etc. Ça crie très fort. Ça sent fort. L’odeur prend au nez, mais on l’oublie après un moment. On aperçoit des petits œufs dans les herbes hautes. En regardant plus attentivement, on voit aussi des oisillons cachés près de plumes de leurs parents. Nous sommes des intrus sur l’île mais on dirait que ces oiseaux n’ont pas appris à avoir peur des humains. C’est tant mieux parce qu’on ne veut pas leur faire de mal.

Au centre de l’île, on retrouve le phare et les différentes constructions comme les maisons du gardien et de son assistant, un criard de brume, un garage, etc. L’île n’est pas large et on voit le fleuve des deux côtés en même temps.

Le phare, construit à la même époque que ceux de l’île Bicquette et du Pillier-de-Pierre, est fait de pierre provenant d’Écosse. Il est entouré de 3 cylindres qui servent à le protéger en éloignant l’eau de la structure, évitant ainsi que la pierre s’use prématurément. La station de phare est complètement abandonnée depuis plus d’une dizaine d’années. De vieux trottoirs de bois relient les bâtiments entre eux. Ils menacent de céder sous nos pieds.

On fait le tour de l’île tranquillement. Je multiplie les photographies et j’essaie d’enregistrer dans ma mémoire tous les petits détails, parce que je sais que les occasions de venir ici sont rares. La lumière est belle. Le vent est doux. Le phare est là, grand de ses 51 pieds, résistant de ses 150 ans. C’est un phare magnifique dans un environnement hors du commun.